Conclusion

Malgré le succès évident du protocole, je n’ai pas d’autre choix que d’arrêter le projet. Cette expérience nous aura appris beaucoup au niveau de la technique, et d’autres travaux tirés de conditions réelles seront à préconiser.

Malheureusement, malgré les profits clairs pour la méthode de nettoyage de donnée développée ici, le technicien refuse de continuer.

 

Il est vrai que les informations contenues sur le disque dur de l’enregistreur sont étranges. Pour ma part, il me paraît évident qu’il s’agit d’une plaisanterie, ou peut-être d’un phénomène de l’art ex-situ (ou « art furtif », qui consiste à laisser une œuvre d’art dans un lieu où elle sera découverte, ou pas, par hasard, sans que l’auteur puisse constater la réaction). Le but était évidemment de créer un canular, et sa célébrité sur les réseaux sociaux me semble le démontrer. Je ne puis dire si la farce était tournée contre la communauté scientifique en particulier (il a fallu en effet beaucoup de travail pour déchiffrer les données continues sur l’enregistreur), mais je crois qu’il va sans dire que nous ne pouvons pas apporter une quelconque crédibilité à ce qui a été récupéré. Ainsi, j’en viens également à douter de l’origine des dégâts physiques sur l’appareil analysé, attribués au départ à une énorme pression sous-marine.

 

Je me vois donc obligé de fermer le rapport ici. Je sais que de nombreux universitaires, et autres, suivaient la reproduction de ces enregistrements avec intérêt, et je leur demande de comprendre la situation et de nous excuser. Pour ma part, j’aurais souhaité aller au bout de la farce, sachant que nous estimons qu’il reste environ un quart des enregistrements à restaurer. Mais, même s’il était au début du même avis que moi, le technicien a continué le travail sur cette partie, et semble avoir alors décidé d’arrêter le projet. Il ne m’a pas confié ce qu’il avait entendu, et a détruit ce qu’il avait nettoyé.

 

J’ai pu sauver l’enregistreur. Malheureusement, sans l’accès au laboratoire, je dois le renvoyer au professeur Altberg, qui m’a annoncé qu’il allait le rendre en l’état à son propriétaire actuel.

 

Après tout, c’est peut-être la conclusion la plus naturelle à cette forme de « bouteille à la mer » moderne. L’auteur se voulait nostalgique, du moins au début, et le garder ainsi, une partie de ses secrets préservés, est sans doute la fin romantique qui lui convient.

 

N.B. J’ajouterai en dernière note que j’ai retrouvé la trace d’une océanographe prénommée Béatrice, décédée dans un accident de voiture avec ses deux enfants il y a vingt-trois ans. J’ignore si cela a un rapport. Cette découverte a été faite il y a quelques semaines déjà, mais j’ai hésité à le préciser, en partie à cause du malaise que j’avoue avoir ressenti. Je n’ai pas osé partager cette information avec le technicien.

 

 

 

 

 

Cette longue nouvelle est inspirée d’une histoire de H.P. Lovecraft (The Temple, 1920, publiée dans le magazine Weird Tales en 1925).